jeudi 27 novembre 2014

COMPRENDRE LES IRRITATIONS & ALLERGIES CUTANEES

J’ai remarqué que beaucoup d’entre vous confondent réactions allergiques et irritations cutanées. En général, dès que vous voyez pointer le bout du nez d’une rougeur, ou que ça picote un peu, ou qu’une zone du visage semble plus rêche, vous hurlez à l’allergie. Surtout sur les Internets… ;) Et vous en déduisez parfois que le produit est mauvais, qu’il devrait être retiré du marché.

Ceci est une caricature, bien sûr… Mais je me suis dit que ce serait bien de faire un petit point sur ce sujet (pas si) compliqué (que ça) (quand on se penche sérieusement dessus), à l’aide de Michèle SAYAG, dermatologue et allergologue, Directrice Médicale BIODERMA. J’ai fait appel à elle car moi-même je ne suis spécialiste que des peaux saines (cosmétologie) et quand il s’agit de dermatologie, je vous avoue que je n’en connais pas bien plus que vous.

A la fin de cet article, vous saurez comment différencier allergie et irritation et comment réagir en cas d’inflammation cutanée !



ALLERGIES & IRRITATIONS, QUELLES DIFFERENCES ?

Tout ce qu’on se met sur la peau est reconnu par l’organisme comme élément étranger. La plupart du temps, celui-ci n’y réagit pas. Mais parfois, il y réagit sous forme de dermatite (ou dermites) de contact. Il y en existe deux types :
  • Les irritations (ou dermatites irritatives de contact, DIC)
  • Les allergies (ou dermatites allergiques de contact, DAC)
Ces dermatites sont des maladies inflammatoires cutanées qui vont survenir à l’endroit du contact avec une molécule chimique avec la peau (« chimique » ne signifiant pas « synthétique », ça peut être des molécules naturelles). Elles sont souvent intimement liées.


LES MANIFESTATIONS CLINIQUES


D’un point de vue clinique, DIC et DAC peuvent avoir des manifestations proches : rougeurs, picotements, chaleur…

Pour les distinguer, il faut tout d’abord savoir que 70 à 80% des dermatites de contact sont des irritations. Les allergies sont plus rares.

Il y a ensuite un certain nombre d’éléments cliniques typiques à chacune.

La dermite irritative (DIC) :
  • Elle apparaît rapidement, dans les quelques minutes, parfois heures, qui suivent.
  • Elle ne déborde pas de la zone de contact, les bords sont nets. 
  • Son expression est variée : taches rouges, macules, petits boutons (papules), grandes plaques rouges… 
  • Mais en général, il n’y a pas de démangeaison. 
  • Elle disparaît assez rapidement, parfois en quelques minutes ou quelques heures, et jusqu’à 3-4 jours grand maximum.

L’allergie (DAC) (qui se manifeste le plus souvent sous la forme d’un eczéma) :
  • Son apparition est retardée : entre le contact avec la substance et son apparition il se passe 24, 48 voire 96 heures.
  • Les bords de la rougeur ne sont pas nets, ils sont « émiettés », et parfois la réaction inflammatoire s’étend au-delà de la zone de contact.
  • En général, en plus des rougeurs et parfois des boutons, il se produit également un œdème (gonflement), et parfois des squames.
  • En général, il se produit des démangeaisons.
  • En l’absence de traitement, l’allergie peut se prolonger jusqu’à 15 jours après la mise en contact avec la substance allergisante.

Ces règles permettent de distinguer dans les grandes lignes allergie et irritation, mais attention, l’organisme humain ne répond pas à des « sciences exactes » comme les mathématiques, et il y a toujours des exceptions aux signes cliniques listés juste avant.

Notamment, quand l’irritation est chronique (c’est à dire que la peau est mise en contact régulièrement avec l’irritant, par exemple pour une dermite des mains liée à un liquide vaisselle). L’aspect va être modifié au fur et à mesure des contacts et finalement ressemblera à un eczéma (allergie) : simples rougeurs au départ, puis sécheresse cutanée, puis une peau très épaissie, rouge et squameuse, voire des fissures et des crevasses douloureuses…

Il peut aussi y avoir des allergies par procuration
, pour lesquelles on peut difficilement faire le lien avec la substance allergène. Imaginons qu’une petite fille entre en contact tous les jours avec les cheveux teints de sa mère qui vient l’embrasser dans son lit, le visage de la petite enfoui dans les cheveux de la mère. Elle peut finir par développer au niveau du visage une allergie à une des molécules de la teinture capillaire. Un autre exemple : vous portez très régulièrement du vernis au niveau des ongles et dans la journée, sans vous en rendre compte, vous vous frottez régulièrement les yeux avec l’extrémité d’un ongle et ce, pendant des mois, voire des années. Vous pouvez finir par déclencher une irritation ou une allergie au niveau de la zone fragile des paupières sans en avoir aucun symptôme au niveau de la peau autour de l’ongle.


LES ORIGINES

Allons un peu plus loin dans la compréhension des mécanismes de la DIC (irritation) et la DAC (allergie), sans trop non plus entrer dans le détail des réactions très complexes de défense de l’organisme.

L’allergie fait intervenir le système immunitaire et sa « mémoire » (immunité adaptative, ou acquise, ou spécifique). Elle ne se met en place que s’il y a eu une sensibilisation préalable à la substance allergène (phase de sensibilisation). Le système immunitaire ne réagit pas cliniquement à ce premier contact (vous ne vous en apercevez pas) mais garde alors en mémoire la substance, et lorsqu’il y est à nouveau soumis, quelques jours ou des années après, il réagit (phase de révélation). A partir de ce moment-là, le corps réagira systématiquement à la molécule allergène. L’allergie est par ailleurs indépendante de la dose de substance allergisante avec laquelle l’organisme est mis en contact, cette dose pouvant être infime.

Notons qu’une molécule cosmétique peut être allergisante pour certains et complètement inoffensive pour la plupart des autres (baume du Pérou, lanoline, formaldéhyde…), tout comme, pour les allergies alimentaires, certains peuvent être allergiques à la fraise ou à des fruits à coque. Les allergènes cutanés les plus fréquents sont les métaux (et le nickel en premier lieu), puis les cosmétiques (notamment parfums, conservateurs, huiles essentielles).

Le potentiel irritant d’une substance, au contraire, ne fait pas intervenir la mémoire du système immunitaire, et concerne tout le monde (immunité innée, effet toxique « direct »). Et il est dose-dépendant : n’importe qui peut être atteint à condition d’atteindre un certain seuil d’irritation, variable d’un individu à l’autre. Par exemple, nous aurons tous un trou dans la peau si on y dépose une quantité suffisante d’acide chlorhydrique. Ou encore nous aurons presque tous des irritations, rougeurs et picotements, si on nous applique 20% d’acides de fruits (peeling en cabinet médical), même si ces réactions seront plus ou moins fortes selon la sensibilité individuelle de chacun.

L’allergie est donc plus problématique :
il suffit d’être à nouveau en contact avec une infime quantité de la substance allergisante pour faire à nouveau une réaction. Ce qui n’est pas le cas de l’irritation.

On dit aussi que l’irritation fait le lit de l’allergie : elle est souvent préalable à l’allergie même si elle passe parfois inaperçue.
A force de cumuler les irritations quotidiennes, par exemple en milieu professionnel quand on a toujours les mains dans l’eau et que l’on manipule des détergents, la barrière cutanée est altérée, ce qui provoque un certain nombre de mécanismes cellulaires et chimiques, ainsi qu’une pénétration accrue des substances allergènes, qui finissent parfois par aboutir à des allergies qu’on n’aurait pas eues s’il n’y avait pas eu ces irritations chroniques préalables. Et ce, même si l’irritation préalable n’est pas cliniquement perceptible.


COMMENT REAGIR EN CAS D’INFLAMMATION CUTANEE


En cas de suspicion d’allergie, une consultation auprès d’un médecin est indispensable pour réduire l’inflammation et limiter la durée de son évolution afin d'éviter de fragiliser la peau et de provoquer des lésions permanentes. Ensuite, il faut consulter un allergologue pour déterminer l’élément responsable de l’allergie et l’éviter par la suite en vérifiant les listes d’ingrédients, lorsqu’il s’agit d’une allergie à un cosmétique.

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Au niveau de la routine de soin cosmétique, il faut reconstituer la barrière cutanée le plus rapidement possible, laisser la peau « respirer »… la laisser en paix.
Pour cela, il est préférable de stopper sa routine de soin, même si l’on a identifié le produit auquel on a fait une réaction.
Pour nettoyer son visage, on choisira un nettoyant ne nécessitant pas de rinçage à l’eau, le plus simple possible (une eau micellaire comme la Créaline H2O), ou on se lavera à l’eau thermale, que l’on séchera sans frotter.
On oubliera quelques temps les produits de soin avec parfums et conservateurs, on choisira des formules courtes, avec les ingrédients les plus simples possibles (Créaline Tolérance + de Bioderma – il existe une version riche et une légère, mais aussi des soins à piocher chez Avène, Uriage, La Roche Posay…).
On évitera le maquillage.
Et quand ça ira mieux, on réintroduira un par un ses produits habituels.

Et voilà. J'espère que ce petit cours de dermatologie a été suffisamment clair. N'hésitez pas à réagir en commentaire ! :)

Et pour en savoir plus sur Bioderma : 
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16 commentaires:

  1. Réponses
    1. Je t'en prie. Ca faisait longtemps que je voulais le faire mais il fallait que je m'appuie sur un pro de la dermato et de l'allergie parce que mes connaissances sont un peu floues en la matière ("étaient" un peu floues, maintenant du coup ça va mieux ;)).

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  2. coucou, c'est "amusant", car je suis en train de boucler un article (pour la presse pro) sur les allergies ! et sinon, moi j'ai fait une "rechute" d'une dermatite périorale et mon dermato m'avait dit (la première fois, en juin) que c'était peut-être dû à un excès de produits cosméto, mais c'est pas très clair, alors il faudrait que je compare certains produits utilisés à une époque et maintenant pour voir si ça ne pourrait pas être allergique, car je ne vois pas la raison pour laquelle ça revient :( j'ai horreur d'avoir la peau avec des imperfections, bah là, je suis gâtée, c'est "périoral", donc nez et bouche, diffus, des plaques que j'ai confondu au départ avec des dartres mais qui n'évoluent pas, donc de nouveau traitement et allègement de ma routine peau ---> malheureuse je suis, parce que ma peau tire, mais j'évite de trop la charger.... j'aimerai bien savoir à quoi d'autres ça pourrait être dûe cette "dermatite périorale (j'en avais fait un article en juin, pensant que c'était le trop plein de cosmétiques, mais là, j'ai un doute, peut-être ma crème utilisée depuis la fin de l'été était trop riche??? Bref : j'espère récupérer une peau nette d'ici la fin d'année ! (bon c'est pas non plus la catastrophe, mais pour moi, c'est "inhabituel" et donc chiant)

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    1. Sujet incontournable... Qui concerne tellement de monde. Ca ne m'étonne pas que tu te sois penchée dessus également.
      (c'est pas cool cette dermatite périorale... :()

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  3. Très bien expliqué et très clair !

    J'ai eu une allergie (je ne pense pas me tromper là) à un composant d'un masque furterer il y a 3 ans. Rien sur le moment et 2 jours plus tard, j'ai commencé à avoir des plaques autour du visage puis qui "s'avançait" au fur à mesure sur le visage (je suppose aussi que j'en avais peut être encore sur les cheveux même après rinçage donc le frottement des cheveux empirait les choses ? ou simplement le fait que je n'avais pas traité tout de suite). Le généraliste m'a prescrit de la cortisone, ça s'est arrêté presque'immédiatement (ce qui a fait hurler ma dermato qui aurait voulu voir le problème mais bon passons).
    J'ai attendu un bon mois avant de le réutiliser (le temps de soigner ma peau, j'avais utilisé la crème tolérance extrême d'Avène pendant ce temps) ) et rebelotte, même effet (mais là j'ai attaqué la cortisone immédiatement pour que ça stoppe la progression). j'avoue que c'est la première fois que ça m'a fait ça (voire la dernière, ça ne m'est pas arrivé depuis).
    Bon j'ai quand même mis du maquillage (mais j'avais acheté une poudre avène pour limiter les dégats).

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    1. Oui ça doit bien être une allergie vu ce que tu décris.

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  4. Super intéressant cet article, même si j'avais déjà eu quelques réponses à mes questions.
    Personnellement j'ai commencé à avoir des soucis avec ma toute première routine (qui comprenait pas mal de produits de différentes marques). Alors que je commençais à prendre conscience qu'il fallait que je prenne soin de ma peau ... ça m'a bien calmée !
    Au bout d'environ 1 mois 1/2 j'ai commencé à déclencher une réaction au niveau de la bouche et uniquement à cet endroit : lèvres rouges et gonflées, contour rouge qui démange ... une version "clown" mais en moins violent tout de même !
    J'ai évidemment arrêté les cosmétiques que j'utilisais, j'ai consulté mon généraliste qui m'a donné quelques produits, c'est plus ou moins passé.
    J'ai fais des tests mais "malheureusement" rien n'est ressorti au niveau des allergènes (le nickel effectivement, à fond chaud patate, un truc hallucinant). On a aussi testé quelques produits que j'utilisais et deux se sont démarqués (une huile démaquillante et un mousse nettoyante). Mais du coup ça ne m'avance pas plus dans ma quête du "quoi éviter dans les compositions". Au mieux j'élimine des produits.
    Dans le doute j'ai tenté récemment des produits Clinique, que j'ai acheté il y a quelques temps, mais j'ai aussi fais une réaction ... (utilisation de la mousse nettoyante et du soin de la gamme Anti-Blemish).
    Je suis donc allée voir ma dermato qui m'a dirigée vers des produits plus simples et plus doux : gel nettoyant Bioderma et soin La Roche Posay. Que je n'ai pas encore testés depuis 10 jours ... j'ai toujours une crainte désormais ...

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    1. Clinique je ne suis pas sûre que ce soient les meilleurs produits pour les peaux allergiques / atopiques, ils sont quand même réputés pour être assez "décapants" (= l'hygiénisme à l'américaine). La Roche Posay, Bioderma, Avène me semblent plus adaptés a priori. Enfin, après, les allergies, c'est aléatoire............

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  5. Très bon article, très clair ! Merci beaucoup !

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    1. Je t'en pris, j'espère que ça a pu éclairer / aider certains d'entre vous.

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  6. Super chouette cet article ! On comprend mieux la différence entre allergies et irritations. Pour ma part, j'ai souvent des rougeurs, mais ce sont surtout des "flush", dûs à l'alcool, car je bois très très rarement et aussi les températures, quand il fait très chaud, du coup, j'opte pour une crème pour peaux sensibles telle que Créaline ou celle d'Eucerin, que je vais bientôt tester, Ultra-Sensible. Mais j'ai remarqué que j'avais parfois des irritations, lorsque j'applique certains soins ( souvent des anti-rides concentrés un peu en acide hyaluronique ou autres ingrédients du même genre ), ma peau est très rouge sur le coup et ensuite elle redevient normale. Donc, je ne sais pas si on peut dire que ma peau est sensible ou pas...

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    1. Oui dans ton cas ce sont des irritations, une certaine sensibilité cutanée, pas des allergies apparemment.
      Et sinon, tu sais, l'acide hyaluronique, malgré son nom, n'est pas du tout "acide" au sens où l'entend le grand public ! Contrairement à un acide citrique, sorbique ou glycolique. C'est juste un acide au sens dénomination chimique du terme, il n'a pas un pH acide. Ca ne doit pas être la raison de ton irritation :).

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  7. Merci pour cet article très intéressant, qui cerne bien le problème et donne des éléments objectifs pour comprendre son origine. Pour ma part, ma peau tendait à s'irriter, même si je n'y mettais pas des tonnes de produits. Cependant, l'irritation venait clairement de ce que j'utilisais, car depuis que j'ai changé ma routine du soir (rinçage de l'eau micellaire, ce que je ne faisais jamais, hydrolat ensuite puis quelques gouttes d'huile pour terminer), ma peau n'est plus du tout irritée et a gagné en hydratation. Mais c'est par pur hasard que je suis parvenue à cette amélioration...

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    1. En fait il faut toujours tâtonner un peu avant de régler ce genre de problème cutané, car les réactions sont complètement individuelles - même si on sait que certains sont globablement mieux tolérés que d'autres.

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  8. Ma dernière allergie chez le coiffeur !
    Ils ne m'ont pas dit qu'ils avaient changé leur produit de coloration !!!!
    Résultats picotements , brûlures et mon crâne commençait à prendre du volume : heureusement j'habite tout près et mon fils m'a apporté mes antihistaminiques en urgence !!
    Autant dire que je n'étais pas contente !!! (Ils m'avaient mis de la teinture INOA)

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    1. Les produits de coloration sont parmi les plus allergènes, effectivement !

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